Chapitre 1
Seul
Je l’avoue : j’ai commencé à écrire cette histoire par son prologue, ce qui en général ne se fait pas, car un roman ne se déroule jamais comme son auteur voudrait qu’il se déroule et les finalités et les desseins qu’il impose à son commencement ne sont que rarement les fins que l’histoire, par de viles acrobaties inconscientes ou cathartiques, parvient à imposer et obtenir.
Certains écrivains se sont découverts, d’autres se sont soignés, mais je ne désire rien découvrir ni rien soigner, bien au contraire. Je cherche à planter des aiguilles sur chaque point de mon corps pour y trouver ceux qui me sont le plus douloureux. M’y enfoncer jusqu’à la crispation totale et mourir. Proprement, sèchement. (Hiver ou été peu importe. Mais je décrirai un jour bleu et frais, sans vent ni nuage, avec partout le soleil jetant ses ombres lourdes, fraternelles. Alors au chaud-froid de mon corps se formera un monde double l’instant d’une seconde.)
Ainsi pour ne pas dévier des mes intentions, ce prologue anticipé fait valeur de contrat : à la fin, promis craché, l’amour est piétiné et l’art triomphe. Je soussigné, votre valeureux voyageur, moi.